Réflexions

"De toute façon de nos jours, on ne peut plus ne plus rien dire".

Par Wassila Aouboukdir, responsable new business et stratégies

C'est tombé il y a quelques jours,
À cet événement tant attendu, où l'on débriefe habituellement des tenues de chacun.e,
Où l'on s'extasie de voir une influenceuse française se faire notre ambassadrice mode sur la scène internationale,
Où l'on attend impatiemment les photos mettant en scène nos personnalités préférées.

Mais cette année le MET Gala ne semblait plus être une histoire d'image. Enfin, d'image si, au sens communicant.
Cette année encore, ceux qui allaient se rendre au prestigieux MET Gala étaient très attendus, mais cette fois-ci pour leurs prises de paroles, et même leurs prises de position.
L'appel au boycott, ou "guillotine digitale" - visant à boycotter les personnalités ne s'exprimant pas sur la situation à Gaza - a entrainé la perte de milliers d'abonnés sur les réseaux sociaux pour nombre d’entre eux.

VERS LA FIN DU CONSENSUS ?

Ce phénomène nous démontre qu'aujourd'hui, pour beaucoup, le consensus ne suffit plus. Et il semble refléter plusieurs maux de notre époque :

D'abord, un engagement qui n'est plus une option :

De ces personnalités publiques, pour la plupart associées au divertissement "pur", le grand public attend aujourd'hui un réel engagement. Qu’ils se rendent « utiles » à notre société, ce qui, par extension, appelle une redéfinition de leurs rôles.

Et si cette attente n'est pas nouvelle, elle semblait plutôt épargner jusqu'alors les "consensuels", ces influenceurs qui ont bâti leur communauté sur une certaine "neutralité" en s'assurant de ne jamais prendre position et de rester dans leur rôle d'"entertainers".

Ensuite, une notion de "privilège" qui revient sur le devant de la scène :

Car assez vite, la notion de "richesse" est venue ajouter de l'huile sur l’étincelle de l'argument premier, celui de l'engagement. Un argument revenu à plusieurs reprises nous laisse entendre l'attitude déplacée "de ne pas prendre position alors que l'on porte une robe de créateurs", ou encore "alors que l'on gagne des sommes déraisonnables".

La notion du privilège, et de la responsabilité associée, est ici dénoncée (comme dans cette vidéo TikTok) et semble rendre les attentes du public d'autant plus importante, dans un contexte de crise où les écarts ne cessent de se creuser entre les populations les plus riches, et les plus pauvres.

Enfin, au-delà de l’engagement personnel revient l’association avec des marques jugées « problématiques » :

Ici, bien loin des marques aux « activités sensibles », c’est la position des marques sur la scène internationale qui est pointée du doigt. McDonald’s, Coca-Cola ou encore Nike, marques grand public largement consommées partout dans le monde, deviennent alors persona non gratta, tout comme les influenceurs qui en font la promotion en public.
L’influenceur Anthonin s’est ainsi excusé en vidéo sur TikTok auprès de sa communauté après avoir partagé une vidéo de lui commandant un McDo en rentrant de soirée, vidéo ayant généré une vague d’appel au boycott.

ET DEMAIN POUR LES MARQUES ?

Ce que nous retiendrons de cet événement est dans le titre : il semblerait que dans bon nombre de situations, "on ne puisse plus ne plus rien dire".

Au cours de ces dernières années, les marques se sont senties prises entre 2 eaux : d'un côté, un grand public qui attendait qu'elles prennent position, mais de l’autre, ce même grand public prêt à les pointer du doigts si la prise de position était jugée opportuniste ou "à côté". Et plusieurs d'entre elles ont pu préserver leur image en appliquant la logique du "pour vivre heureux vivons cachés" (beaucoup devraient se retrouver :) ).

Deux solutions semblent ainsi se présenter aux marques, comme aux influenceurs :
Option 1 - Satisfaire les attentes de leur communauté (ou publics, consommateurs, collaborateurs, partenaires… pour les entreprises). C’est-à-dire prendre parti parce que l’on sait que c’est ce qu’il « faut » faire. Cela peut passer par le fait de suivre un mouvement (utilisation d’un hashtag, mise à jour de la photo de profil comme pour le mouvement Black Live Matter) ou choisir d’initier une action propre, une prise de parole forte ou une campagne en son nom.

Option 2 – « Se replier sur soi-même et se taire aussi longtemps que durerait la fièvre » (vous aurez sûrement la ref’). C’est-à-dire laisser passer la vague, malgré les appels à prise de positions, les menaces de boycott et les critiques. Préférer être critiqué pour son silence que pour le choix de ses mots.

Si l’on reprend le cas de l’appel au boycott des influenceurs, c’est justement le premier point qui lance aujourd’hui encore, à + 3 semaines de l’événement, une nouvelle vague de crise. Cette fois, ce sont les influenceurs Squeezie, ou encore Léna Situations qui sont pointés du doigts pour « s’être contentés de partager des contenus « sur le tard » sans réelle prise de position ». Ici, le manque perçu de conviction laisse supposer un opportunisme qui ne convainc plus.

Et si pour l'heure, du MET Gala et de "cette guillotine numérique", il faudra attendre de voir dans le temps si ceux qui sortiront "épargnés" de la crise, seront ceux qui auront pris position dans le simple but de satisfaire leur public, ou les consensuels convaincus, les entreprises sont quant à elles attendues sur bon nombre d’autres sujets : responsabilité sociale, diversité et inclusion, environnement…

Alors, quelle que soit l’option choisie, il faut pouvoir l’assumer. Faire de sa volonté de s'engager, ou au contraire de maintenir une position consensuelle, un réel parti pris d'où il conviendrait de ne pas déroger au risque que cela sonne faux. Car il semble finalement plus difficile sur le long-terme de reprocher à une personne ou une marque de rester fidèle à ses valeurs, que de se perdre à coup d’opportunisme.

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